Andrew Moss a présenté sa démission de son poste de directeur général de AVIVA PLC, le sixième assureur mondial. Officiellement, cela serait du à la crise engendrée par sa demande d'approbation de sa rémunération lors de la dernière assemblée générale des actionnaires qui s'est tenue le 3 mai dernier à Londres. Las, les mauvaises nouvelles se sont accumulées en l'espace de quelques jours. Son grand projet "One Aviva, Double Value" a fait long feu. Toutes les têtes de la structure viennent de tomber. La vente annoncée de la filiale américaine d'Aviva pourrait se solder par une perte de 1,2 milliard de dollars. Et que dire de la filiale française au sein de laquelle il existe plusieurs bombes à retardement considérées comme telles par la justice française. Début mars, quatre nouveaux arrêts rendus par la Cour de cassation, la plus haute juridiction en France, se sont ajoutés aux dix-sept déjà enregistrés dans des dossiers similaires contre Aviva France. Comment, dès lors, s’expliquer que les têtes ne tombent pas chez l’assureur ? Au moment où nous mettions sous presse, la démission n'était pas encore connue et nous écrivions : "Enquête sur ce qui ressemble à une aberration managériale qui, tôt ou tard, atteindra Andrew Moss, l’actuel président d’Aviva PLC, la maison mère installée au coeur de la City londonienne. On le souhaite averti, car la perte s’estimera bientôt en milliards de livres sterling." Cela étant, la démission d'Andrew Moss ne désamorce en rien la bombe française.
Qu’a donc à craindre le groupe Aviva d'un jeune entrepreneur de 23 ans, détenteur d’un contrat d’assurance-vie auprès du sixième assureur mondial, hormis les milliards, si l’on en croit la justice française, qu’il devra verser, au plus tard au décès de son client, ou avant, si celui-ci décidait de sortir ses fonds. Dans son cas, et dans celui de plusieurs dizaines d’autres clients d’Aviva, l’assurance-vie en question est une survivance des contrats multisupports lancés au milieu des années 1980 et inspirés par les « Happy hours » prisés par les traders de Wall Street. Chaque semaine, l’heureux souscripteur choisit en toute quiétude son placement sur le fonds ayant réalisé la plus forte progression au cours de la semaine précédente. Impossible se dit-on! Et bien non, ces contrats d’assurance-vie avec arbitrage à cours connu portent bien leur nom et ne sont pas tous éteints. Ils vont, selon toute vraisemblance et en vertu des jurisprudences qui s’accumulent, permettre à ses souscripteurs de disposer d’une épargne gigantesque. Pour la compagnie Aviva, quelques milliards d’euros à débourser sur les 400 milliards de fonds gérés pour plus de 53 millions de clients à travers le monde, cela paraît peu. En revanche, face à ses 2,8 milliards de bénéfices en 2010, voilà qui pèse lourd.
Depuis 1998, les dirigeants d’Abeille Vie, devenue Aviva en 2002 et premier assureur–vie d’Europe, font comme si ces clients n’existaient pas, sauf, de temps à autre, lorsqu’ils sont traînés par eux devant les tribunaux, où l’assureur se fait régulièrement condamner. L’histoire de Max-Hervé George est de celles que planquent sous le tapis de leur bureau les directeurs généraux qui se sont succédé à la tête d’Aviva France, l’une des plus importantes et plus rentables filiales d’Aviva Group, une filiale qui gère notamment les actifs de la plus importante association d’épargnants en France, l’Afer, une référence en la matière avec ses 730 000 adhérents. C’est aussi l’histoire d’un management qui semble n’avoir que faire des décisions rendues par la plus haute cour de justice française. Saisie vingt et une fois, la Cour de cassation a penché en faveur de ces plaignants qui s’estimaient lésés. Le management éthique est-il à ce point une denrée rare chez Aviva pour que vingt et une procédures en cassation contre la compagnie d’assurances ne suffisent pas à lui faire entendre raison? « Monsieur le président, nous avons un problème en France qui pourrait exposer la compagnie!» devrait s’égosiller le comité exécutif d’Aviva Group aux oreilles de son PDG, Andrew Moss, un homme lui-même très averti puisqu’ex-responsable des affaires juridiques du groupe et ancien de la Lloyds. Mais apparemment rien, pas le moindre trouillard pour prendre peur ou le moindre courageux pour appeler à la raison.
Retrouvez la version intégrale de cet article dans The Global Journal de mai/juin 2012.
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